Écrit le 24/11/19

Lors de la vente d’une entreprise, la question fondamentale à envisager est celle du choix de son mode d'acquisition : faut-il privilégier la cession isolée du fonds de commerce, ou bien céder les parts sociales ou actions détenues au capital de la société ?

Cette question est primordiale dans la mesure où le choix de l’une ou l’autre des solutions aura des conséquences distinctes.

A cette question, il n’existe pas de réponse automatique car tout dépendra du projet envisagé et du but recherché par le cédant et le cessionnaire de l’entreprise.

1. La cession des droits sociaux

Les droits sociaux désignent les parts sociales ou les actions émises par une société en contrepartie des apports réalisés lors de la création ou de la vie de la société. Ces droits sociaux constituent le capital social de la société.

La cession de titres sociaux permet à l’acquéreur de devenir propriétaire de la société par un transfert de la propriété du capital social.

La société perdurera, et subira quelques changements (notamment un changement de représentant légal, etc ...).

  • Les contrats en cours conclus par la société se poursuivront (sous réserve des contrats comportant une clause d’intuitu personae prévoyant par exemple la résiliation automatique du contrat en cas de modification de la répartition du capital social par l'entrée de nouveaux associés) ;
  • La société demeurera liée par les engagements pris par elle préalablement à la cession des titres.

Ainsi en faisant l’acquisition du capital social, l’acquéreur devient propriétaire de l’actif de l’entreprise (le fonds de commerce), mais également de tout son passif, soit ses dettes.

Pour l’acquéreur des titres, le principal inconvénient réside, pour lui, dans la reprise du passif de la société, en l'état, qui peut, le cas échéant, présenter des risques latents postérieurement à l’acquisition (litiges commerciaux ou prud’hommaux, redressement fiscal ou Urssaf etc.). Il est donc essentiel pour l’acquéreur de négocier et de signer une garantie d’actif et de passif, afin de couvrir ces risques éventuels.

Lorsque le cédant procède à une cession de ses titres et qu’il a souscrit des engagements de caution auprès des banques, il est ainsi indispensable que ce dernier demande à l’acquéreur de le substituer en qualité de caution et la banque devra accepter cette substitution. En effet, si tel n’est pas le cas, le cédant restera responsable à l'égard de la banque de la dette contractée.

En outre, pour protéger les intérêts de l’acquéreur, il est très utile de prévoir un audit d’acquisition de la société pour estimer à sa juste valeur la société cédée au regard de ses engagements et pour s'assurer de sa bonne gestion antérieure.

Sur le plan fiscal, l’acquéreur de titres sociaux devra payer des droits d’enregistrement, lesquels varieront notamment en fonction du prix de cession, et de la forme de la société.

Le cédant sera quant à lui imposé sur la plus-value réalisée.  Le cas échéant, il pourra bénéficier de certains abattements voire d’une exonération totale de sa plus-value, en fonction de sa situation.

2. La cession du fonds de commerce

Le fonds de commerce représente l’actif de l’entreprise, à savoir, l’ensemble des éléments qui permettent à l’entreprise d’exercer son activité.

Les éléments compris dans le fonds cédé sont, en général :

  • Les immobilisations incorporelles (clientèle, achalandage, droit au renouvellement du bail commercial, marques, licences, autorisation administrative etc.) ;
  • Les immobilisations corporels (matériels, agencement, véhicules etc.) et
  • Les marchandises.

Lors de la cession, la valeur du fonds de commerce devra être ventilée entre ces trois catégories d’éléments constitutifs du fonds de commerce.

Au contraire, les éléments suivants ne sont pas transmis à l’acquéreur du fonds :

  • Les créances et dettes, sauf si l'acheteur ne respecte pas certaines obligations, notamment sur le plan fiscal où il existe un principe de "solidarité fiscale" ;
  • Les contrats (sauf ceux obligatoirement transmissibles c’est-à-dire les contrats de travail, les contrats d’assurance et les contrats d’édition, qui sont automatiquement transférés) ;
  • Les documents comptables (l'acheteur doit pouvoir consulter les 3 derniers exercices comptables pendant 3 ans) ;
  • Les immeubles.

Il est recommandé de définir de manière détaillée les contrats et les biens cédés afin d’éviter tout litige éventuel. L'acte de cession du fonds de commerce devra parfois comprendre un engagement de non concurrence du cédant, pour garantir l'acquéreur contre toute réinstallation à proximité du fonds cédé.

Contrairement à la cession des titres d’une société, la cession du fonds de commerce n’entraîne pas de changement dans la répartition du capital de la société cédante. Les titres de cette dernière restent détenus par les mêmes associés, après la cession du fonds de commerce.

Si la vente du fonds de commerce entraîne la cessation d’activité, les associés devront alors procéder à la liquidation de la société pour pouvoir percevoir in fine le prix de vente du fonds de commerce.

L'avantage de la cession d’un fonds de commerce est qu'il peut être plus sécurisant pour l’acquéreur puisqu'il n’héritera pas des dettes de la société, mais seulement de ses actifs.

Dans l’hypothèse où la société cédante resterait tenue de certaines dettes intrinsèquement liées au fonds de commerce, ses créanciers pourront en obtenir le paiement sur le prix de cession du fonds.

Il convient de noter que la cession du fonds est soumise à un formalisme plus contraignant que celle des titres sociaux :

  • Il faut par exemple respecter un délai d’opposition des créanciers (10 jours à compter de la vente du fonds au Bulletin Officiel des Annonces Civiles et Commerciales (BODACC)) ;
  • Le prix de vente du fonds sera séquestré et le cédant ne pourra le percevoir qu’après le règlement des créanciers qui auront fait opposition au prix de vente, ou qui bénéficient d’une sureté sur le fonds (nantissement, etc ...).

D’un point de vue fiscal, l’acquéreur du fonds de commerce devra procéder à l’enregistrement de l’acte de vente dans le mois qui suit la cession du fonds auprès du Service des Impôts des Entreprises (SIE) et devra payer des droits d'enregistrement, dont le montant variera en fonction du prix de cession (après application d’un abattement de 23.000 euros).

Par ailleurs, la cession du fonds est susceptible de générer une plus-value imposable chez la société qui cède le fonds. Cette plus-value sera imposée selon le cas à l’impôt sur les sociétés ou à l’impôt sur les revenus en fonction du régime fiscal auquel aura opté la société cédante.

Conclusion

Si l’acquéreur acquiert les titres sociaux d’une société, il deviendra propriétaire des actifs de l’entreprise (notamment du fonds de commerce), mais également de son passif et devra à ce titre en supporter les dettes. Si, au contraire, l’acquéreur n’acquiert que le fonds de commerce, il ne deviendra propriétaire que des éléments d’actifs appartenant à l’entreprise. La société cédante restera alors seule responsable de ses dettes vis-à-vis de ses créanciers.

 

Commentaires

Soumis par LILYM (non vérifié) le Jeu 07/01/2021 - 11:45

Permalien

Bonjour Maître,
Vous indiquez "Les titres de cette dernière restent détenus par les mêmes associés, après la cession du fonds de commerce."
Mais qu'en est-il lorsque les parts sociales de l'un des associés ont fait l'objet d'une saisie antérieurement à la cession du fonds . Faut-il fait opposition même si le débiteur n'est pas le vendeur (société commerciale) mais l'associé ? C'est pour moi un casse-tête...
Merci infiniment

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