De nombreuses entreprises choisissent de conclure un contrat de location financière pour financer l’acquisition de matériels ou de services (création d’un site internet, acquisition d’une voiture, d’un photocopieur, etc…). Cependant, certains fournisseurs peu scrupuleux utilisent ce système pour échapper à leur responsabilité contractuelle.
La location financière consiste, pour un fournisseur de matériel, à vendre à une banque, un matériel choisi par une entreprise, laquelle va conclure un contrat de location avec la banque.
Mais, si un problème survient avec le fournisseur du matériel, ou que l’entreprise constate une défaillance du matériel livré, la banque continuera à réclamer le paiement des loyers à l’entreprise (celle-ci n’est souvent contractuellement engagée qu’à l’égard de l’organisme bancaire).
L’entreprise pourra toutefois se prévaloir de l’interdépendance du contrat de location financière avec le contrat de fourniture (vente ou prestation de service) soit pour obtenir l’annulation du contrat de fourniture, et par voie de conséquence, celui du contrat de location, en se fondant sur un vice du consentement, soit pour en demander sa résolution/caducité en se fondant sur les manquements contractuels du fournisseur.
1. La nullité du contrat de leasing en raison d’un vice du consentement
Lorsque le fournisseur a volontairement tenté de tromper l’entreprise en commettant un dol ou que celle-ci a commis une erreur sur les caractéristiques du matériel livré, l’entreprise peut se prévaloir d’un vice du consentement, susceptible d’entraîner l’annulation du contrat de location conclu avec la banque, en application de l’article 1130 du code civil.
Cependant, l’entreprise pourra difficilement arrêter de payer ses échéances de loyers à la banque car cette dernière lui opposera le fait qu’elle n’est pas responsable du choix du matériel de l’entreprise auprès du fournisseur.
En pratique : La banque prévoit contractuellement que, si une difficulté quelconque survient sur le matériel financé, elle ne constitue pas une cause exonérant l’entreprise, locataire du matériel, du paiement de ses loyers.
Dans un arrêt en date du 14 janvier 2014, la Cour de Cassation s’est néanmoins prononcée sur l’indivisibilité des contrats de location financière et de fourniture, en considérant que les contrats concomitants ou successifs qui s’inscrivent dans une opération incluant une location financière sont interdépendants (Cass. Com. 14 janvier 2014, n°12-20.582).
L’annulation du contrat de fourniture conclu entre le fournisseur et la banque au motif tiré d’un consentement vicié de l’entreprise résultant d’un comportement du fournisseur peut donc entraîner l’annulation du contrat de location conclu entre l’entreprise et la banque.
La Cour d’appel de Paris a ainsi admis l’annulation des contrats de location de deux photocopieurs du fait des manœuvres dolosives du fournisseur. La Cour a considéré que :
« Compte tenu de l’indivisibilité des contrats de location et de financement insérés dans les mêmes actes et tendant aux mêmes fins économiques, la nullité des contrats de location entraîne la nullité des contrats de financement entre la société locataire et la société de financement et implique le remboursement par celle-ci au locataire des échéances réglées (…) » (Cour d’appel de Paris du 25 septembre 2015 n°13/06022).
L’entreprise pourra ainsi opposer un vice du consentement (du fait du fournisseur et de son matériel) pour obtenir, par ricochet, la nullité du contrat de location, et ainsi cesser de payer ses loyers à la banque ou à la société de financement.
2. La résolution/caducité du contrat de leasing en raison d’un manquement du fournisseur
Se fondant sur l’interdépendance contractuelle existante entre le contrat de fourniture et le contrat de location financière, l’entreprise va également, alors même qu’aucun contrat n’a été conclu entre l’entreprise et le fournisseur du matériel, pouvoir opposer à la banque les manquements commis par ledit fournisseur.
Le client, pour cesser de verser les loyers, pourra opposer à la banque les manquements du fournisseur lorsque ceux-ci se répercutent négativement sur les obligations de la banque.
Il s’agit là de l’application de l’exception d’inexécution prévue à l’article 1219 du code civil qui s’applique :
« Une partie peut refuser d'exécuter son obligation, alors même que celle-ci est exigible, si l'autre n'exécute pas la sienne et si cette inexécution est suffisamment grave. ».
Rappelons également que la Cour de cassation tient aussi compte des liens d'interdépendance pouvant exister entre plusieurs contrats pour retenir que « l'inexécution d'une convention peut être justifiée, si le cocontractant n'a lui-même pas satisfait à une obligation contractuelle, même découlant d'une convention distincte, dès lors que l'exécution de cette dernière est liée à celle de la première » (Cass. com., 12 juill. 2005, no 03-12.507).
La jurisprudence a reconnu que cette exception d’inexécution s’applique même si les conditions générales de la société de financement comportent une clause stipulant que le contrat de location est indépendant du contrat de fourniture du matériel :
« Mais attendu que les contrats concomitants ou successifs qui s’inscrivent dans une opération incluant une location financière, sont interdépendants ; que sont réputées non écrites les clauses des contrats inconciliables avec cette interdépendance. » (Ch. mixte, 17 mai 2013, 11-22.768).
La sanction en cas de résiliation du contrat de fourniture est souvent la caducité du contrat de location financière, comme jugé par de nombreux arrêts (Notamment : Cass. Com. 12 juillet 2017, n°15-27.703).
Une entreprise peut donc être bien fondée à rompre un contrat de leasing conclu avec une banque, en mettant au préalable en demeure le fournisseur de s’exécuter, conformément à l’article 1226 du code civil. Si ce dernier n’obtempère pas, et que l’inexécution est jugée suffisamment grave, l’entreprise est en droit de notifier à la banque la résiliation unilatérale du contrat de location, en raison des manquements contractuels du fournisseur.
Cependant, dans cette hypothèse, la rupture du contrat de location se fait « aux risques et périls » de l’entreprise, et il faut souvent s’attendre à une procédure en paiement de la banque contre l’entreprise locataire…
Conclusion
Que ce soit par l’annulation ou par la résiliation/caducité du contrat de fourniture, l’interdépendance de ce contrat avec le contrat de location financière permet de « sortir » dudit contrat de location lorsqu’il existe une difficulté suffisamment grave avec le fournisseur et/ou son matériel/service. Dans cette hypothèse, il faudra toutefois se résoudre à rendre le matériel ou à se dispenser du service rendu.